En complément de notre analyse complète et du focus sur le « sur remplissage » des tramways, voici une version résumé de nos cahiers.
Présentation de l’association
Créée en 2011, l’association Rezé à Gauche Toute ! (RàGT) entoure, accompagne et soutient les élu·es municipaux de Rezé issu·es de la liste du même nom qui s’est présentée aux élections de 2008, 2014 et 2020. Il y a actuellement 3 élu·es du groupe « Rezé à Gauche Toute » à Rezé.
Au-delà, l’association a pour objet, entre autres, l’information sur les enjeux divers qui se posent dans la vie de la cité et la recherche de participation des citoyen·nes à la gestion de la vie de celle-ci, ainsi qu’à l’exercice de la démocratie sous ses différentes formes.
Association à vocation politique, au sens large, mais totalement indépendante des partis politiques traditionnels, RàGT promeut les valeurs de la gauche citoyenne, notamment en matière de solidarité, de justice sociale, de vivre-ensemble et d’écologie. Ces valeurs guident notre avis, élaboré collectivement, sur la présente concertation.
Nos activités peuvent être suivies sur notre site www.rezeagauchetoute.fr
Nous pouvons être contactés à contact@rezeagauchetoute.fr
Préambule
Les pièces mises à disposition du public pour la concertation de Nantes Métropole « de nouveaux horizons pour le tramway » menée fin 2020 – début 2021 sont accessibles ici : https://dialoguecitoyen.metropole.nantes.fr/pages/dnlt-bibliotheque
A partir de l’analyse de ces documents, notre association a produit une série de 4 cahiers d’acteurs en janvier 2021 :
Le 1er traite d’aspects généraux sur la concertation.
Le 2nd, divisé en 2 sous-cahiers (2A et 2B) répond à la question n° 1 de la concertation « La création de ces trois nouvelles lignes vous paraît-elle pertinente ? »
Le 3eme répond aux 3 autres questions de la concertation.
L’intégralité de nos 4 cahiers d’acteurs (environ 5 pages chacun) est disponible sur notre site internet : https://rezeagauchetoute.fr/2021/01/24/cahier-dacteurs-pour-la-concertation-de-nantes-metropole-au-sujet-du-tramway
Le présent document est une synthèse des principaux éléments de nos avis et propositions. Pour la plupart des sources de données, se référer à nos cahiers complets.
Remarques générales sur le processus de concertation.
1. Un processus de concertation biaisé
Les tournures des phrases du dossier de concertation laissent penser que la décision d’investir dans ces lignes de tramway est officiellement actée par les élu·es. Or, il n’en est rien : cette décision doit être prise (ou non) au printemps 2021.
D’ailleurs, pourquoi consulter le public sur « l’opportunité de la création de 3 nouvelles lignes de tramway » si elles étaient déjà décidées ?
Cette manipulation de l’opinion s’est confirmée dans le magazine de Nantes Métropole de février 2021, qui parle par 3 fois des futures lignes de tramway comme s’il était certain qu’elles allaient se faire, alors même que les garants n’ont pas, au moment de la parution de ce magazine, rendu leur rapport d’analyse des nombreuses contributions à la concertation !
2. Une vision partielle
La concertation ne concerne pas l’ensemble de la situation et de l’évolution des transports collectifs urbains de la métropole. Notamment, c’est le silence complet sur la situation actuelle et future des bus. Pourtant, la complémentarité tram-bus est fondamentale.
3. Un dossier touffu et technique
Il manque une synthèse en quelques pages pour les les personnes qui ne voudraient pas lire les 110 pages principales du dossier de concertation. Un langage plus accessible au grand public pourrait avantageusement remplacer le jargon technico-administratif largement présent dans le dossier (un exemple : « la capacité circulatoire de la boucle de contournement de la centralité »).
À l’inverse, pour les citoyen·nes qui souhaitent entrer plus dans les détails, d’autres documents complets manquent : notamment l’étude complète de modélisation des futurs trafics en transports en commun, ou les études préalables sur le pont Anne-de-Bretagne.
4. Les coûts
Les coûts de fonctionnement des nouveaux trams et du pont ne sont pas précisés. Or nos estimations -à affiner- les placent à environ deux fois plus que l’investissement. Ces dépenses s’ajouteront au budget actuel de la SEMITAN, et donc en grande partie du budget métropolitain qui l’alimente.
Nos analyses des budgets de la métropole et du Plan de Déplacement Urbain (PDU) montrent que les transports en commun pèsent très lourd en termes de budget (50% du total des budgets transport environ), beaucoup plus lourd que leur part modale (qui est, pour rappel, de 15 % et n’augmentera quasiment pas). Ceci doit conduire la puissance publique à chercher en toute situation à optimiser leur efficacité financière.
Toute la mise en perspective budgétaire que nous avons réalisée est très importante pour que le public se forge un avis éclairé. Or elle est inexistante dans le dossier.
5. Une erreur particulièrement lourde
Le dossier de concertation nous affirme que « d’ici 2030, 270 000 déplacements supplémentaires seront réalisés quotidiennement » en transport en commun. Soit une augmentation de 45 %, quand la population n’augmentera, elle, que de 11 % !
Ceci est irréaliste : par comparaison, la mobilité totale des habitant·es n’a augmenté que de 5 % sur la période 1997-2015.
Mais plus que de l’irréalisme, nous avons là affaire au mieux à de l’incompétence, au pire à une tromperie aggravée sur une hypothèse structurante de tout le dossier : le PDU de 2018 table, lui, sur une augmentation 6 fois moindre pour les transports en commun (43 000 déplacements par jour, et non pas 270 000).
Notre réponse à la question « La création de ces 3 nouvelles lignes vous parait-elle pertinente ? »
A. Des justifications discutables.
A.1. La justification de la saturation future du réseau
La saturation de certains tronçons de lignes de tramway/busway aux heures de pointe est un réel problème, qu’il faut traiter sérieusement.
Mais nous dénonçons le fait, attesté par les modélisations de Nantes Métropole, parfois cachées, que d’une part un nouveau tracé de tramway dans l’ouest de l’Île de Nantes n’aura qu’un effet limité sur la désaturation des lignes actuelles, et que d’autre part ces nouvelles lignes ne seront remplies qu’à un tiers de leur capacité en heure de pointe (information que nous avons dénichée dans une légende de carte maquillée dans le dossier) en 2035, ce qui est un gâchis économique.
A.2. Trop faible prise en compte de la Covid 19
Le dossier n’envisage jamais une baisse à moyen terme du recours aux transports en commun suite à l’épidémie de covid.
Pourtant l’hypothèse d’un maintien durable d’une part de télétravail est probable. Cela conduirait à moins de déplacements quotidiens, notamment en heure de pointe, et aurait de fortes conséquences sur la saturation future.
A.3. La démographie
La saturation projetée est étroitement liée aux prévisions d’augmentation de la population.
Cette situation est présentée comme inéluctable, alors qu’elle découle de la politique d’attractivité de la métropole, qui est un choix volontaire : la « publicité » faite pour la métropole à l’échelle nationale, ou la création de logements neufs en excès pour attirer plus de monde, que nous avons déjà prouvée et dénoncée1.
Depuis de nombreuses années, nous jugeons excessifs les objectifs d’augmentation de la population, et néfastes les moyens qui y sont consacrés. II se pourrait bien que la population, qui commence à pâtir des effets négatifs de la démographie galopante, prête une oreille de plus en plus attentive à ce discours.
Il nous semble que le nouveau tramway et le « pont jardin » sont plus choisis pour leur fonction « levier de requalification urbaine » facteur d’attractivité que dans celle de « transport de voyageurs ».
A.4. La justification par rapport aux opérations urbaines futures à desservir
Nous nous opposons au projet de déménagement du CHU2 sur l’Ile de Nantes, et prônons deux fois moins d’habitant·es pour la ZAC des Iles que les projets actuels de la métropole.
Dans cette configuration, les besoins de déplacements dans cette partie de la métropole seraient bien plus réduits, rendant un tramway encore moins pertinent.
A.5. Un projet très « centro-nantais »
La décentralisation des transports en commun promise par ce projet est très relative : on reste encore sur le centre de la métropole.
On ne voit pas poindre beaucoup d’investissements pour les transports en commun pour les zones périphériques.
B. Au fait, le tramway est-il le plus pertinent ?
B.1. Le tramway a une mauvaise efficacité financière
Le tramway coûte très cher, en investissement comme en fonctionnement. Il n’est pertinent que s’il est très rempli. Ce ne sera pas le cas pour ces nouvelles lignes.
Nous lui préférons pour ces raisons une ligne de bus à Haut Niveau de Service, qui peut assurer un débit de passager·es suffisant pour un coût d’investissement environ trois fois moindre, et de fonctionnement presque de moitié.
Cette option résout par ailleurs le problème du terminus de tramway au bout du Boulevard Victor Schoelcher, puisque le terminus d’un bus peut tout de suite être placé à l’hôtel de Ville de Rezé, à la Bouvre ou autre emplacement adapté.
De tels bus peuvent fonctionner au gaz, comme tous les bus actuels de la métropole, pour un impact environnemental d’autant plus faible que ce gaz sera d’origine renouvelable.
B.2. Le tramway manque d’adaptabilité
Un fois les rails construits, il est très difficile et coûteux de changer le tracé pour s’adapter aux évolutions urbaines. Un tracé de ligne de bus se modifie beaucoup plus facilement.
B.3. Des alternatives possibles pour traverser la Loire
Nous rappelons les projets de multiplication des navettes fluviales entre les deux rives et l’Île de Nantes dans les années à venir : c’est un possible report de voyageurs depuis les lignes de bus et tramway actuelles.
Nous avons aussi fait la proposition programmatique3 d’un bac entre Trentemoult et Chantenay, qui serait consacré aux bus et aux modes actifs, et qui permettrait de compléter l’offre de transports en commun entre le sud-ouest et le centre de Nantes.
B.4. Le report modal vers le vélo
Le vélo est une réelle alternative, en termes de débits de passager et de part modale, aux transports en commun.
Il ne s’agit pas de mettre tout le monde au vélo, mais d’envisager un report modal massif pour une partie majoritaire de la population qui est en capacité physique de faire du vélo toute l’année en toutes conditions pour la majorité des trajets : 55 % des déplacements dans la métropole font moins de 3 km, et 85 % moins de 10 km.
Ainsi, passer d’une part modale du vélo de 3% aujourd’hui à au moins 25% d’ici 20 ans, soit presque le double de la part modale des transports en commun, nous semble :
- souhaitable : une politique vélo ambitieuse coûte environ 10 fois moins cher qu’une politique de transports en commun « classique ». De fait, ce projet de tramway accapare à lui seul autant que tout ce qui est prévu pour toutes les actions de la métropole sur le vélo pour les 10 ans à venir.
- réaliste : de nombreuses ville d’Europe dépassent 30 % de vélo, comme le montre le graphique suivant.
(Au passage, ce graphique nous montre aussi que, dans les rares villes où les transports collectifs dépassent 18%, cela se fait au détriment de la marche).
Reste que cette évolution vers une part massive de vélo représente un très gros changement, technique et culturel, qui s’étalera sur plusieurs décennies. Raison de plus pour l’enclencher vigoureusement le plus tôt possible.
La marche, elle, n’est déjà pas très loin de son potentiel maximal : elle représente déjà une part modale 2 fois supérieure aux transports en commun, en constante progression depuis 2002. Pour elle, l’enjeu est surtout l’amélioration des conditions de sécurité et de bien-être des piéton·nes. Cela nécessite aussi des budgets… qui peuvent être dégagés par le remplacement du projet de nouveau tramway par des bus à haut débit.
Conclusion :
Les budgets de la métropole n’étant pas extensibles à l’infini, nous proposons l’abandon des liaisons tramway proposées dans cette concertation, leur remplacement par des bus à haut débit au gaz naturel, et l’affectation des économies correspondantes à une politique cyclable encore plus ambitieuse pour la métropole, et à l’étude sérieuse du franchissement de la Loire en bac entre Trentemoult et Chantenay.
Notre réponse à la question « À quels enjeux de déplacements la transformation du pont Anne-de-Bretagne doit-elle répondre ? »
On nous demande de donner un avis sur un pont qui coûte « environ 50 millions », en nous priant de croire qu’il sera « joli » et « pratique »… sur parole puisque aucun élément précis, même pas une esquisse, n’est fourni dans le dossier.
La transformation de ce pont est avant tout justifiée par la nécessité d’y faire passer les futures lignes de tramway, ce que ne permet pas le pont actuel. À partir du moment où nous considérons que les nouvelles lignes de tram ne sont pas pertinentes, cette justification devient caduque.
Pour autant, il est vrai que le pont Anne-de-Bretagne doit être amélioré pour son franchissement en modes actifs, et en particulier à vélo.
Nous préconisons un réaménagement permettant à terme au moins 20 000 cyclistes/jour, en tout confort et en toute sécurité (notamment aux carrefours des débouchés du pont) et en bonne cohabitation avec les piéton·nes.
Si un arbitrage est nécessaire entre les différents modes de transports pour éviter un trop fort coût budgétaire, il doit se faire par une baisse du trafic voiture à cet endroit.
Notre réponse à la question « Comment cohabiteront les autres modes de déplacement avec les nouvelles lignes de tramway sur leurs corridors ? »
À partir du moment où nous considérons que les nouvelles lignes de tram ne sont pas pertinentes, cette question pourrait devenir caduque pour nous.
Nous la saisissons cependant pour donner un avis général sur la cohabitation entre les vélos et les tramways : des études sérieuses montrent que, contrairement aux idées reçues, l’usage des plateformes de tramway par les vélos n’est pas plus dangereux que sur une voirie classique. Cela ouvre la porte à beaucoup d’opportunités pour étendre à peu de frais le réseau cyclable de la métropole.
Notre réponse à la question « Quels trajets souhaitez-vous faire à bord du tramway dans dix ans ? »
Si la question est : « Quels nouveaux trajets… en tramway », notre réponse est : « A priori, aucun, ou très peu. » En effet, pour des raisons déjà évoquées, nous préférons que, plutôt que dans des tramways, la métropole investisse dans des bus, à haut débit sur les axes où ce sera nécessaire.
Si il s’agit de donner des orientations pour de futures lignes à haut débit à créer dans la métropole (notamment en bus), nous n’avons pas en notre possession suffisamment données de trafic (actuels et futurs) pour nous prononcer de manière pertinente sur cette question.