Cahier d’acteurs pour la concertation de Nantes Métropole au sujet du tramway

Rezé à Gauche Toute a réalisé quatre cahiers d’acteurs pour cette consultation, déposés sur le site de la participation et reproduits ici.

Table des matières

  • Cahier n° 1 : Un processus de concertation trop biaisé et incomplet pour permettre des avis citoyens réellement éclairés. Un dossier de concertation touffu, contenant des erreurs, et parfois gravement trompeur.
    1. Un processus de concertation biaisé
    2. Une vision partielle
    3. Un dossier touffu et technique
    4. Un dossier contenant des erreurs
    5. Les coûts…
    6. Une erreur particulièrement lourde
  • Cahier n° 2A :  Création de trois nouvelles lignes de tramway : des justifications discutables.
    1. La justification de la saturation future du réseau
    2. La justification par rapport aux opérations urbaines futures à desservir
    3. Un projet très « centro-nantais »
  • Cahier n° 2B : Au fait, le tramway est-il le plus pertinent ?
    1. Le tramway a une mauvaise efficacité financière
    2. Le tramway manque d’adaptabilité
    3. La question de la priorité du projet au vu de son coût
  • Cahier n° 3 : Les trois autres questions de la concertation
    • À quels enjeux de déplacements la transformation du pont Anne-de-Bretagne doit-elle répondre ?
    • Comment cohabiteront les autres modes de déplacement avec les nouvelles lignes de tramway sur leurs corridors ?
    • Quels trajets souhaitez-vous faire à bord du tramway dans dix ans ?
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Présentation de l’association

Créée en 2011, l’association Rezé à Gauche Toute ! (RàGT) entoure, accompagne et soutient les élu.es municipaux de Rezé issu.es de la liste éponyme qui s’est présentée aux élections de 2008, 2014 et 2020. Il y a actuellement 3 élu.es du groupe Rezé à Gauche Toute à Rezé.

Au-delà, l’association a pour objet, entre autres, l’information sur les enjeux divers qui se posent dans la vie de la cité et la recherche de participation des citoyens.nes à la gestion de la vie de celle-ci, ainsi qu’à l’exercice de la démocratie sous ses différentes formes.

Association à vocation politique, au sens large, mais totalement indépendante des partis politiques traditionnels, RàGT promeut les valeurs de la gauche citoyenne, notamment en matière de solidarité, de justice sociale, de vivre-ensemble et d’écologie. Ces valeurs guident notre avis, élaboré collectivement, sur la présente consultation.

Nos activités peuvent être suivies sur notre site www.rezeagauchetoute.fr

Nous pouvons être contactés à contact@rezeagauchetoute.fr

Cahier n° 1 : Un processus de concertation trop biaisé et incomplet pour permettre des avis citoyens réellement éclairés. Un dossier de concertation touffu, contenant des erreurs, et parfois gravement trompeur

Introduction

Le présent cahier est le 1er d’une série de 4 cahiers de notre association pour cette concertation. Il traite d’aspects généraux, les 3 suivants répondant plus précisément aux 4 questions de la concertation.

Un processus de concertation biaisé

Le dossier ne situe pas suffisamment le projet dans le contexte de la politique de déplacements de Nantes Métropole.

Par exemple, à quel moment et par qui a été validée la carte présentée p.15, pourtant fondamentale1 puisqu’elle présente la « Stratégie de déplacements à l’échelle métropolitaine » ?

On ne peut donc pas bien discerner ce qui peut encore être facilement réorienté ou abandonné dans le projet présenté de ce qui devrait relever d’une décision du conseil métropolitain invalidant une décision antérieure.

Le dossier de concertation indique (p. 8) : « Le 7 juin 2019, la présidente du Conseil Métropolitain a fait l’annonce de la création de 3 nouvelles lignes de tramway, entérinée par le Conseil Métropolitain du 28 juin 2019. » On peut croire à la lecture de cette phrase que la décision d’investir dans ces lignes de tramway est officiellement actée par les élu.es. Or, il n’en est rien : ce qui a été acté en juin 2019, c’est uniquement la poursuite des études préalables !

D’ailleurs, pourquoi nous consulter sur « l’opportunité de la création de 3 nouvelles lignes de tram » si elle était déjà décidée !…

Une vision partielle

Le dossier concerne seulement un « petit bout » de tram, et pas l’ensemble de la situation et de l’évolution des transports collectifs urbains (TCU) dans la métropole.

C’est le silence complet sur la situation actuelle et future des bus. Pourtant, la complémentarité tram-bus est fondamentale : les bus représentent 78 % de l’offre kilométrique, et la moitié du nombre de voyages (source : RA SEMITAN2).

Un dossier touffu et technique

Le dossier de concertation fait 64 pages. C’est nécessaire pour pouvoir entrer dans le détail des explications, mais une synthèse en 2 ou 3 pages, avec un renvoi aux pages du dossier complet si on veut approfondir, manque cruellement pour une consultation « grand public ».

L’annexe de présentation des modélisations des 6 scénarios est indéchiffrable y compris pour une personne avertie, et a fortiori pour un.e citoyen.ne moyen.ne.

On peut aussi regretter l’usage de termes, notions ou expressions techniques non définis, donc peu clairs pour le commun des lecteur.rices, et pourtant essentiels à la compréhension du dossier. On peut citer, entre autres : « principes-guides », « réseau armature », « recomposition urbaine », « structures maillées », « capacité circulatoire de la boucle de contournement de la centralité », « aménagements/équipements structurants » (ils structurent quoi exactement ?), « trame bleue », « coulée horticole », « m2 SDP », « potentiel de report des flux de transit », « lignes armatures », « marqueurs du paysage », « services écosystémiques », « processus d’écoconception ».

Un lexique serait fortement souhaitable pour préciser ce que recouvrent ces notions.

À l’inverse, pour les citoyen.nes qui souhaitent entrer dans le dossier plus dans le détail, d’autres documents complets pourraient être mis à disposition du public : c’est le cas notamment de l’étude SYSTRA complète dont est extraite l’annexe de modélisation des 6 scénarios, ou des études préalables sur le pont Anne-de-Bretagne.

Un dossier contenant des erreurs

  • Page 41, la liaison L1-L2 au nord (Babinière­­–Recteur-Schmitt) ne figure pas sur la carte, alors qu’elle sera effective en 2024, et donc a fortiori 2028, et qu’elle figure sur la carte p. 51.
  • Les numérotations de certaines nouvelles lignes changent entre le dossier de concertation et l’annexe « Étude d’attractivité ».

C’est lié au fait que l’étude d’attractivité différencie les lignes de tram, numérotées Lx, des lignes de chronobus, numérotées Cx, alors que le dossier de concertation, appelle tout indifféremment « lignes », la C5 étant désormais numérotée L5, même si elle reste en bus.

Pour nous y retrouver, nous avons dû faire tableau de correspondance suivant :

Étude d’attractivitéDossier de concertation
C5L5
L5L6
L6L8
Pas de L8Pas de C5

Cette erreur amène une difficulté de lecture particulièrement lourde dès lors que l’on veut étudier en détail les scénarios.

Les coûts…

… du projet particulier « Nouveaux horizons »

Dans le dossier :

  • Le coût d’acquisition des nouvelles rames n’est pas chiffré pour le moyen terme (après 2030), or il est consubstantiel du projet à court terme. Au minimum, une fourchette indicative aurait été souhaitable.
  • Les coûts de fonctionnement des nouveaux trams et du pont ne sont pas indiquésOr, en France, en moyenne, un investissement en TCU engendre chaque année un coût de fonctionnement d’environ 2 fois son coût d’amortissement annuel3. Si le présent projet est amorti sur 25 ans, soit environ 14 M€/an, les frais de fonctionnement correspondants s’élèveront à environ 28 M€/an pendant 25 ans, hors pont. Ces dépenses s’ajouteront au budget actuel de la SEMITAN, et donc en grande partie du budget métropolitain.

Cette façon de « saucissonner » les coûts globaux et d’en cacher une partie, malheureusement assez classique (aéroport NDDL…), tend à augmenter artificiellement l’acceptabilité du projet.

… des autres travaux prévus ou prévisibles sur les TCU

Donner au public une idée des coûts globaux des TCU de la métropole leur permettrait de contextualiser financièrement le présent projet.

  • La liaison L1-L2 au nord, déjà actée : combien va-t-elle coûter ?
  • Quid du renouvellement du matériel roulant de la TAN en général ?
  • Quid des investissements à venir hors tram (bus…) ?
  • Quid de l’option, dont nous savons qu’elle est étudiée en ce moment même, d’une desserte de l’aéroport Nantes-Atlantique en transport collectif ?

Notre association s’est livrée à des exercices d’analyse des budgets métropolitains. 

Pour le budget annuel :

Source : RàGT d’après analyse des budgets prévisionnels 2020

Ce graphique nous montre :

  • que la politique des transports en général pèse très lourd (un tiers) dans le budget total de la métropole,
  • que les TCU comptent pour les 2/3 de tous les transports ;
  • la place budgétaire importante encore accordée à la voiture (via le stationnement et la voirie)
  • les faibles budgets relatifs accordés aux modes « doux », que nous préférons nommer « actifs » (marche, vélo, trottinette…), même s’il est difficile de les différencier précisément.

L’analyse du Plan de déplacements urbain (PDU) nous donne aussi des enseignements pour les 10 ans à venir :

Source : RàGT d’après analyse du PDU 2018

Nous avons affecté le budget total estimé du PDU, soit presque 3 milliards d’€ sur 10 ans, aux différents modes de transport. Malheureusement, environ 1/3 des budgets affichés ne peuvent être affectés à la lecture du PDU, trop imprécis. 

On voit cependant à nouveau que les TCU se taillent la part du lion, et que les budgets pour les modes actifs (surtout vélo, la marche restant le parent pauvre) ne dépassent pas ceux de la voiture.

Globalement, ces 2 analyses budgétaires montrent que les TCU pèsent très lourd en termes de budget, beaucoup plus lourds que leur part modale (qui est, rappel, de 15 %). Ceci doit nous conduire à chercher en permanence à optimiser leur efficacité financière, pour alléger les finances publiques en général et en particulier pouvoir affecter des budgets plus importants qu’aujourd’hui aux alternatives à la voiture que sont les modes actifs. 

Le coût de l’opération « Nouveaux horizons » est aussi à mettre en comparaison avec ce que coûterait un élément du programme de RàGT4 : les transports en commun à prix libre.

Pour cela, un petit calcul de coin de table : si la mise en tarif libre faisait (hypothèse) baisser les recettes de billetterie de la TAN de moitié, soit 40 M€ par an, on pourrait financer cette mesure pendant presque 30 ans5 avec les économies générées par la non-réalisation de la seule tranche 1 du projet « Nouveaux horizons ».

En conclusion, nous estimons que toute la mise en perspective budgétaire que nous venons de réaliser, inexistante dans le dossier, peut influer sensiblement sur l’avis des personnes consultées sur la pertinence du projet « nouveaux horizons ».

Une erreur particulièrement lourde

Une des justifications majeures des nouvelles lignes de tramway est la saturation attendue des lignes de TCU existantes.

Le dossier de concertation nous dit, p. 14 : « Chaque jour, 600 000 déplacements sont réalisés en transport en commun par les habitants de la métropole et d’ici 2030, 270 000 déplacements supplémentaires seront réalisés quotidiennement. » Même si cette phrase est sujette à interprétation, on peut comprendre qu’il s’agit de + 270 000 déplacements en TCU, et non tous modes confondus.

À la lecture de l’annexe « Étude d’attractivité » il n’y a plus d’ambiguïté, p. 7 : « Référence 2035, Comparaison avec la Ref 2015 : + 269 300 montées/jour sur le réseau TAN ».

La concertation table donc sur un total de 870 000 déplacts/j en TCU en 2030 ou 2035, soit une augmentation de 45 %, quand la population n’augmentera, elle, que de 11 % ! (De 630 000 à 700 000.)

Et ce alors que la part modale des TCU restera quasi stable ! (de 15 à 16 %.)

La seule façon de résoudre l’équation est d’augmenter le nombre de déplacements totaux par habitant.e :

En 2015, on était à 3,8 déplcts/j/pers. (source EDGT 20156)

En 2030 ou 2035, 870 000 déplcts/j en TCU, pour une part modale de 16 %, cela fait 5 440 000 déplcts/j tous modes confondus.

Pour 700 000 habitant.es, cela fait 7,8 déplcts/j/pers, soit un doublement en 15 ou 20 ans !

Cette vitesse d’augmentation de la mobilité totale des habitant.es est irréaliste : par comparaison, elle n’a augmenté que de 5 % sur la période 1997-2015.

Mais plus que de l’irréalisme, nous avons là affaire au mieux à de l’incompétence, au pire à une tromperie aggravée : le PDU de 2018 parle lui de + 260 000 déplcts/j d’ici à 2030 tous modes confondus. Soit, pour une part modale de 16 %, une augmentation 42 000 déplcts/j pour les TCU seuls.

Or le présent dossier table sur + 270 000 en TCU… soit 6,4 fois plus ! Et c’est une hypothèse structurante de tout le dossier !

Synthèse et conclusion

À notre sens, il ne sera pas possible de valider les résultats de la concertation tant que les citoyen.nes ne disposeront pas des éléments objectifs nécessaires pour y répondre.

Pour cela, le dossier de concertation devrait :

  • insister sur le fait que jusqu’à présent aucune décision n’a été actée, contrairement à des phrases qui laissent penser le contraire. Cela inciterait beaucoup plus les citoyen.nes à rendre des avis tranchés.
  • présenter de manière plus contextualisée ce que représente financièrement ce projet, y compris à long terme.
  • rendre le dossier de concertation plus accessible. En particulier, une synthèse « facile à lire » de 2 ou 3 pages nous semble indispensable.
  • corriger les erreurs, et surtout rétablir la vérité sur l’augmentation de la mobilité totale des habitant.es. Cette surévaluation rend la présente concertation entachée d’une tare rédhibitoire, et justifie à lui seul son annulation et sa reprise à zéro.

Cahier n° 2A : Création de trois nouvelles lignes de tramway : des justifications discutables

Introduction

Le présent cahier d’acteur est le 2e d’une série de 4 cahiers de notre association pour cette concertation :
Le 1er traitait d’aspects généraux sur la concertation.
Le présent, divisé en 2 sous-cahiers (2A et 2B) répond à la question n° 1 de la concertation « La création de ces trois nouvelles lignes vous paraît-elle pertinente ? »
Le cahier n° 3 répondra aux 3 autres questions de la concertation.

Nous exposons ici que les principales justifications du projet sont discutables : la saturation future des transports collectifs (partie I), la desserte de grandes opérations urbaines (partie II), et la décentralisation du réseau (partie III).

La justification de la saturation future du réseau :

Le projet « Nouveaux horizons » anticipe la saturation future du réseau de transports collectifs urbains (TCU) de la métropole.

Le dossier nous dit en effet, p. 12 : « Le tramway a connu une augmentation forte et continue de sa fréquentation. Sa saturation actuelle, en particulier en son nœud central à la station Commerce, impose aujourd’hui de faire évoluer la structure même de son réseau, par la création de connexions supplémentaires. »

Nous avons déjà détaillé dans notre cahier n° 1 en quoi l’augmentation du nombre de voyages en TCU d’ici 2030 ou 2035 est surestimée d’un facteur de plus de 6 par rapport aux prévisions du PDU.

Mais il y a plus.

Un effet limité sur la saturation future

Une analyse un peu attentive du dossier de concertation nous montre que le projet « Nouveaux horizons » n’améliore que partiellement la saturation projetée.

Comparons en effet les cartes issues de l’« étude d’attractivité » :

Projection 2035 sans projet « Nouveaux horizons » :

Projection 2035 avec projet « Nouveaux horizons », scénario A :

On voit un effet nettement bénéfique du projet « Nouveaux horizons » sur les tronçons Commerce-Pirmil et Pirmil–Basse-Île, mais pas d’amélioration sensible sur d’autres zones, notamment le bas de la route de Saint-Joseph, les portions Commerce-Viarme et Commerce-Michelet, ou la route de Pornic entre le périphérique et le futur arrêt « Basse-Île ».

Trop faible prise en compte de la Covid 19 :

Sur l’épidémie, le dossier se contente de dire (p. 23) qu’« il est difficile d’(en) mesurer les effets dans le temps » sur les mobilités.

Tout juste prévoit-il une « évaluation d’ici fin 2020 » des aménagements temporaires cyclables et de circulation, mais jamais n’est envisagée une baisse durable du recours aux TCU.

Même si l’anticipation est incertaine, l’hypothèse d’un maintien durable du télétravail est probable. Cela conduirait à moins de déplacements quotidiens, notamment en heure de pointe, et aurait de fortes conséquences sur la saturation future.

La démographie

La saturation projetée est étroitement liée aux prévisions d’augmentation de la population. On rejoint ici la politique d’attractivité de la métropole, qui consiste à attirer toujours plus de monde : « Reconnue comme l’une des métropoles les plus attractives (…), Nantes Métropole compte actuellement 630 000 habitants, et devrait passer d’ici 2030 à 700 000 habitants » (p.12).

Cette situation est présentée comme inéluctable, mais sans jamais envisager de changer les choix politiques qui concourent à un solde migratoire largement positif ces dernières années. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi : de 2006 à 2008 par exemple, le solde migratoire de la métropole était négatif (cf. annexe).

Parmi les actions menées pour augmenter le solde migratoire, il y a la promotion territoriale, qui consiste à faire, par toutes sortes de médias (presse, internet, affichages à Paris, communication dans les entreprises, réseaux d’influence…) la « publicité » de la métropole nantaise.

On peut d’ailleurs légitimement se demander si le tram et le « pont jardin » ne constituent pas en eux-mêmes un facteur d’attractivité : le choix du tramway semble résider autant, sinon plus, dans sa fonction « levier de requalification urbaine » que dans celle de « transport de voyageurs ». De fait, ce nouveau tram ne sera pas très rempli (cf. cahier 2B partie I).

Autre facteur d’attractivité : la création de logements neufs en excès. Nous avons montré en détail dans notre contribution au SCoT métropolitain en 2016 que les objectifs de production de logement du SCoT et de la métropole étaient supérieurs aux besoins7. Même si le discours ultra-dominant consiste à dire : « Il faut construire pour loger les nouveaux habitants », nous affirmons que l’inverse est aussi vrai : construire en excès est un très bon moyen d’attirer de nouvelles populations.

Depuis de nombreuses années, RàGT juge les objectifs d’augmentation de la population excessifs. C’est un positionnement politique, certes contraire à celui de la métropole, mais cela n’enlève rien à sa légitimité. Et il se pourrait bien que la population, qui commence à pâtir des effets néfastes de la démographie galopante (encombrements, densification excessive de l’habitat et étalement urbain conjugués, disparition des espaces de respiration urbains, augmentation des pollutions…) prête une oreille de plus en plus attentive à ce discours.

Or, si, comme nous le prônons, on revoit à la baisse les projections de population, on doit revoir aussi à la baisse les hypothèses de nombre de déplacements à venir dans la métropole, et en particulier l’augmentation de trafic de TCU en centre-ville… et le tram devient encore moins pertinent.

La justification par rapport aux opérations urbaines futures à desservir

Le dossier de concertation nous dit : « [La] centralité métropolitaine se traduit par la coordination des grands projets urbains (…).
Ces projets sont autant de lieux (…) qui s’assemblent dans une Métropole qui se veut :

  • attractive, à travers la construction de nombreux bureaux et logements (…) ;
  • solidaire et facile (…) ;
  • durable (…).

(…) Cette opération de desserte en transports collectifs de la Centralité Métropolitaine (…) se trouve donc en interface avec de nombreux projets connexes ».

Puis une carte nous présente les projets en question :

La réalisation de ces grands projets a deux effets, certainement voulus, qui se nourrissent l’un l’autre, pour participer in fine à l’attractivité de la métropole :

  • concourir à la « promotion territoriale » en donnant à voir (inter)nationalement des opérations urbaines d’envergure et prestigieuses (la gare de Nantes a été montrée dans tous les grands médias nationaux, et gageons qu’il en sera de même du CHU – s’il se fait – ou du projet « Loire au cœur »),
  • participer à l’augmentation (excessive) du nombre de logements, via les ZAC et leur densité en habitat très élevée.

Nous avons déjà, dans la partie I.3, exposé pourquoi nous réfutions l’objectif d’attractivité en général.

Nous nous attarderons ici sur 2 opérations en particulier.

Le déménagement du CHU

Notre association est opposée au déménagement du CHU sur l’Île de Nantes pour les raisons exposées sur notre site internet.

Si, comme nous le souhaitons, les 2 hôpitaux sont maintenus, il faudra réfléchir très sérieusement à la desserte en TCU de l’hôpital Laennec et du centre de lutte contre le cancer qui drainent des centaines de personnes par jour (patient.es, familles, soignant.es et autres salarié.es) qui pour la plupart sont aujourd’hui contraintes à utiliser la voiture.

La ZAC Pirmil-Les Îles

Cette ZAC prévoit, sur la zone des anciens abattoirs, de construire presque 2 500 nouveaux logements, soit 5 000 habitants de plus à l’horizon 2035. Depuis plusieurs années, notre association étudie en détail ce projet.

Notre décryptage fin du dossier d’enquête publique en 2018 montre que l’afflux de nouvelles populations engendrera une augmentation de plus de 40 % des déplacements sur le périmètre d’étude (de 88 000 par jour en 2035 sans ZAC, à 123 000 avec), ce qui est considérable.

Malheureusement, le dossier de la ZAC ne fournit pas (là encore…) l’étude complète de modélisation de trafic de SYSTRA, et cache des informations. On peine par exemple à comprendre comment, pour la zone Basse-Île, la multiplication par 10 du nombre d’habitant.es et la création de 2 000 emplois ne feraient augmenter le nombre de déplacements émis que d’un facteur 3. De plus, une des 2 cartes fondamentales du dossier, à savoir le trafic routier total modélisé en 2035 avec ou sans projet, est fausse. Enfin, le dossier ne transcrit pas le trafic en encombrements.

Notre analyse (disponible sur notre site8) conclut que le dossier occulte le fait que cette opération, couplée à la mise en une seule voie du pont des Trois-Continents pour faire passer le tramway, va provoquer de nombreux embouteillages sur la route de Pornic et le boulevard Schœlcher, malgré la forte baisse de part modale de la voiture prévue au PDU.

Pour cette raison, et d’autres (place de la nature en ville et qualité urbaine du site notamment), Rezé à Gauche Toute s’est opposée en conseil municipal à ce projet, et a proposé de diviser par 2 la densité de logements de l’opération.

Si, comme nous le préconisons, la ZAC des Îles est revue largement à la baisse, et le projet de CHU est remis en question, des justifications majeures à la pertinence des nouvelles lignes de tramway tombent.

Un projet très « centro-nantais »

La décentralisation du réseau de TCU est très relative : du point de vue d’un habitant de Mangin ou de Commerce, oui. Mais c’est pour un report du trafic à 2 ou 3 km à l’ouest, ce qui du point de vue des quartiers plus périphériques de Nantes, ou des autres communes de la métropole, reste le centre-ville de Nantes.

Pour un réel maillage de la métropole par les TCU, c’est à une plus large échelle qu’il faut raisonner :

  • liaison de communes à communes sans passer par le centre de Nantes, utilisation du périphérique ou de voies adjacentes ;
  • renforcement des fréquences des liaisons bus entre les communes non ou mal desservies par le tram et le centre de Nantes. Un exemple rezéen : une augmentation de la fréquence de la ligne 98 (et donc des moyens financiers à engager), qui dessert le récent quartier de la Jaguère, est souhaitable, mais non évoquée.

Annexe :

Source : RàGT d’après données INSEE

Cahier n° 2B : Au fait, le tramway est-il le plus pertinent ?

Introduction

Nous exposons ici que, en admettant qu’une nouvelle ligne de transports collectifs soit nécessaire, ce n’est pas pour autant qu’elle doit forcément être un tramway.

En effet, ce choix du tramway devrait au minimum être justifié dans le dossier, or il ne l’est pas : aucune alternative au tram n’est sérieusement envisagée ni donc présentée. Ainsi, rien d’autre que le tramway n’est étudié dans les 6 scénarios ! Sauf à la marge le scénario le C, qui remplace la seule L8 par un busway.

Le choix du tramway paraît couler de source. Ce que nous contestons pour 3 raisons principales, détaillées ci-après : 1) son rapport coût-bénéfice discutable ; 2) son manque d’adaptabilité ; 3) la possibilité de choix budgétaires plus pertinents.

Le tramway a une mauvaise efficacité financière

Le tramway est, après le métro dans lequel fort heureusement la métropole ne s’est pas lancée jusqu’à présent, le mode de transports collectifs urbain le plus coûteux (investissement et exploitation).

Un rapport du CEREMA9 nous indique que, en moyenne sur les réseaux de TCU en France, le coût de revient du kilomètre « offert »10, qui est de 4,5 €/km pour les réseaux sans tramway ou 5 €/km pour les réseaux « Bus à haut niveau de service », grimpe à 7 €/km pour les réseaux pour lesquels plus de 25 % de l’offre kilométrique est en tramway.

À Nantes Métropole, ce coût est de 6,04 €/km en 201911, mais il n’est pas possible de le différencier entre tramway, busway, bus.

Notons également que ce coût de revient calculé n’intègre que les charges d’exploitation. L’investissement, assumé directement par la métropole, n’entre pas dans les charges de la SEMITAN, mais il n’en constitue pas moins une lourde dépense publique (cf. notre cahier n° 1), que le CEREMA n’intègre malheureusement pas dans son analyse.

Nous n’avons pas les chiffres de fréquentation pour modérer ce constat par le fait que, à kilomètre offert égal, un tramway transporte plus de passagers, et que donc son coût de revient par km/passager est plus favorable que le bus… à condition cependant que son taux de chargement soit important.

Cette question du taux de remplissage est fondamentale pour estimer la pertinence financière d’une nouvelle ligne de tramor le dossier de concertation est très évasif sur ce point.

En cherchant bien cependant, on trouve, p. 30, une phrase très instructive au sujet d’une option « busway à la place d’un tramway » étudiée pour la ligne 8 dans le scénario C : « Le choix d’un busway est en effet très impactant (sous-entendu, positivement) sur l’économie générale de cette proposition de travail. Financièrement, le coût étant bien sûr bien moindre pour une ligne de bus que pour une ligne de tramway, l’efficacité financière est importante. »

Le diagramme multicritère associé est très explicite, comparé aux autres scénarios :

Scénario C, busway

Scénario A, tramway

À efficacité équivalente sur le maillage réseau et sur l’offre, le scénario avec busway a donc une efficacité financière très supérieure au scénario avec tramway. C’est pourtant le tramway qui est retenu, de manière incompréhensible en non justifiée dans le dossier !

Et il est impossible de comparer les efficacités d’un busway par rapport à un tramway pour les 2 autres lignes (6 et 7), pour la bonne raison qu’aucun scénario ne les étudie !

On pourrait penser que ce choix du tramway est justifié par le besoin de débit de passagers, mais aucun chiffre dans le dossier ne vient étayer cela.

Cependant, nous nous sommes aperçus que les légendes des cartes de projection de trafic passager en heure de pointe dans le cahier annexe avaient été recouvertes d’une légende plus évasive (code couleur verte = « place assise », code couleur rouge = « difficulté d’accès au véhicule », etc.), mais qu’en copiant l’image de la carte dans le PDF, on pouvait accéder à la légende initiale :

Nouveau maquillage des informations, ce n’est pas glorieux pour Nantes Métropole !

Et quelle information : on y apprend qu’en heure de pointe, le taux d’occupation des 5 km de nouveaux tronçons ne dépassera pas 35 % en 2035 !!

Or il est tout à fait possible d’absorber 35 % de la capacité d’un tramway de 48 m (hypothèse de l’étude) par un bus à haut débit : la littérature nous indique12 que le débit d’un bus bi-articulé est de plus de 50 % de celle d’un tel tramway :

La même source indique aussi que les coûts d’investissement et d’exploitation des bus à haut niveau de service (BHNS) sont sensiblement inférieurs à ceux du tramway :

Ainsi, l’inefficacité financière du choix du tramway pour le projet « Nouveaux horizons » est avérée. On nous propose un tramway pour le prestige qu’il représente, et non pas pour sa pertinence technico-économique. Et tout cela en cachant des informations fondamentales !

Le tramway manque d’adaptabilité

Par ailleurs, le gros inconvénient du tramway par rapport au bus est que, une fois construit, l’ouvrage est figé, à moins de déconstruire et reconstruire les rails ailleurs, ce qui est très coûteux. Les bus sont à ce titre beaucoup plus souples pour faire évoluer les tracés des lignes en fonction des évolutions urbaines : les aménagements qui leur sont liés sont bien plus légers (et donc bien moins coûteux et bien plus rapides à mettre en place) et plus facilement réversibles.

La question de la priorité du projet au vu de son coût

Pour rappel (cf. cahier n° 1), ce projet pèse très lourd dans les finances de la métropole.
Plus généralement, les recettes « propres » des déplacements (Versement Transports, billetterie TAN et recettes de stationnement) ne couvrent qu’environ 60 % des dépenses du budget métropolitain, ce qui induit que cette politique accapare beaucoup de recettes générales de Nantes Métropole (environ 200 M€ pour les prévisions 2020).

Or le budget métropolitain n’est pas extensible à l’infini.
Il faut donc prioriser les projets de transport qui ont le meilleur rapport coût-bénéfice, à différentes échelles :

  • au sein du budget TCU,
  • au sein des budgets « déplacements » tous modes confondus.

La priorité au sein des budgets TCU

Il nous semble injustifié de dépenser autant pour un résultat si faible, tant sur la part modale (passage de 15 à 16 % pour les TCU), sur le désengorgement des TCU du centre-ville (cf. supra, partie I), que sur la priorité géographique des dépenses TCU de la métropole (cf. cahier 2A, III).

De plus, l’efficacité financière du tramway vis-à-vis des bus est faible (cf. partie I supra).

Enfin, et puisqu’il s’agit de traverser la Loire sans passer par l’axe Pirmil-Commerce :

  • nous rappelons les projets de multiplication des navettes fluviales entre les 2 rives et l’Île de Nantes dans les années à venir : leur potentiel de report de voyageurs a-t-il été intégré aux modélisations de fréquentation à venir des lignes de bus et tramway ?
  • nous avons fait la proposition programmatique13 d’un bac entre Trentemoult et Chantenay, qui serait consacré aux bus et aux modes actifs, et qui permettrait de compléter l’offre de transports en commun entre le sud-ouest et le centre de Nantes. Cette proposition est pour le moment resté lettre morte à la métropole, mais constitue à nos yeux une alternative digne d’être sérieusement étudiée.

La priorité par rapport à d’autres modes de déplacements

Ce projet accapare par exemple à lui seul autant que tout ce qui est prévu pour toutes les actions de la métropole sur le vélo pour les 10 ans à venir (cf. analyse budget PDU cahier n° 1).

Le vélo est une réelle alternative, en termes de débits de passager et de part modale, aux transports en commun.

Il ne s’agit pas de mettre tout le monde au vélo, mais d’envisager un report modal massif pour une partie majoritaire de la population qui est en capacité physique de faire du vélo toute l’année en toutes conditions pour la majorité des trajets effectués dans la métropole :

55 % des déplacements dans la métropole font moins de 3 km, et 85 % moins de 10 km (cf. EDGT14 2015, cahier 6).

Le potentiel de ce report modal, et de désengorgement des TCU, est aujourd’hui bien trop négligé.

Par exemple, si on fait l’hypothèse, ambitieuse mais réaliste, que les 3/4 des déplacements de moins de 1 km et 1/3 de ceux de 1 à 3 km pourraient être faits à pied, et que la moitié des déplacements restants de 0 à 10 km pourraient être faits à vélo, cela nous donnerait une part modale de 30 % pour la marche (contre 27 % en 2015), et 28 % pour le vélo (contre 3 % actuellement).

Ces hypothèses nous montrent que :

Concernant le vélo, son potentiel est encore largement inexploité, et il pourrait largement dépasser la part modale des TCU en 2035. Le PDU table sur 12 % en 2030, ce qui serait déjà très beau si c’était atteint à cette échéance, mais il faut viser une part modale supérieure à 25 % à plus long terme (pour le tramway on réfléchit bien à 25 ans…). Les élu.es et expert.es métropolitains, et une large part de la population, ne semblent pas y croire, alors que certaines villes d’Europe ont déjà dépassé 30 % :

(Au passage, ce graphique nous montre aussi que, dans les rares villes où les TCU dépassent 18%, cela se fait au détriment de la marche).

Bien évidemment, cette perspective nécessite des évolutions opérationnelles (mise en place d’un « système vélo » global, incluant des aménagements sécurisés, mais pas seulement) mais aussi culturelles majeures… d’où la nécessité du temps long mais d’une perspective ambitieuse affichée dès maintenant.

De plus, il est avéré qu’une politique cyclable, même très ambitieuse, est beaucoup moins coûteuse qu’une politique de TCU. Par exemple à Strasbourg, 25 €/hab/an, contre 345 €/hab/an pour les TCU15.

La marche, elle, n’est en revanche pas très loin de ce potentiel ambitieux.
Elle représente déjà une part modale 2 fois supérieure aux TCU, en constante progression depuis 2002, comme le montre le graphique ci-dessous. Pour ce mode, l’enjeu n’est pas tant l’augmentation massive de sa part modale que l’amélioration des conditions de sécurité et de bien-être des marcheur.ses.

Source : RàGT d’après données enquêtes déplacements Nantes Métropole/AURAN

Conclusion des cahiers n° 2A et 2B :

Au vu de toutes les considérations que nous avons développées, la création de ces trois nouvelles lignes ne nous paraît pas pertinente.

Les budgets de la métropole n’étant pas extensibles à l’infini, nous proposons l’abandon des liaisons tramway proposées dans cette concertation, leur remplacement par des bus à haut débit au gaz naturel, et l’affectation des économies correspondantes à une politique cyclable encore plus ambitieuse pour la métropole, et à l’étude sérieuse du franchissement de la Loire en bac entre Trentemoult et Chantenay.

Cahier n° 3 : Les trois autres questions de la concertation

Introduction

Le présent cahier d’acteur est le dernier d’une série de 4 cahiers de notre association pour cette concertation :

Le 1er traitait d’aspects généraux sur la concertation.

Les 2d (2A et 2B) répondent à la question n° 1 de la concertation « La création de ces trois nouvelles lignes vous paraît-elle pertinente ? »

Le présent cahier répond aux 3 autres questions de la concertation.

Question 2 : À quels enjeux de déplacements la transformation du pont Anne-de-Bretagne doit-elle répondre ?

Remarque générale sur le contenu du dossier sur ce sujet : de grandes envolées lyriques, de belles intentions auxquelles on peut, pour certaines, s’associer mais aucun élément précis n’est présenté : un « véritable espace public au-dessus de la Loire, et pas seulement un ouvrage de franchissement… à la fois belvédère (…) et jardin », c’est quoi, concrètement ? 

Le dossier ne présente même pas une esquisse d’intention paysagère, ni même une indication de la largeur possible de ce futur ouvrage, de sa pente, de ses accès… Aucune analogie avec un ouvrage similaire ou partiellement similaire quelque part dans le monde.

Pour faire court, on nous demande de donner notre avis sur un pont qui coûte « environ 50 millions », en nous demandant de croire sur parole qu’il sera « joli » et « pratique »  !…

Autres interrogations :

  • Concernant la trame verte et bleue : quelle continuité de chaque côté du pont ?
  • Quelle place garderait-on pour la voiture avec ce futur pont : le même trafic qu’aujourd’hui (environ 25 000 véhicules/j) ? Plus ? Moins ?
  • Avec 50 millions d’euros, peut-on aller vraiment au bout de ces belles intentions ? Comment a été faite cette estimation financière ? Par analogie avec quels autres chantiers ?
  • Pourquoi ne pas donner accès aux études préalables ? Même s’il ne s’agit de que versions intermédiaires (le document dit p.44 qu’elles sont « en cours »), elles doivent cependant être bien avancées puisque leur lancement a été autorisé par délibération de décembre 2017 (p. 10).

Cela étant posé :

La transformation du pont Anne-de-Bretagne est avant tout justifiée, dans le dossier de concertation, par la nécessité d’y faire passer les futures lignes de tramway, ce que ne permet pas le pont actuel.

À partir du moment où nous considérons que les nouvelles lignes de tram ne sont pas pertinentes (cf. notre cahier d’acteur n° 2), cette justification principale devient caduque.

Pour autant, il est vrai que le pont Anne-de-Bretagne doit être amélioré pour son franchissement en modes actifs, et en particulier à vélo. En effet, les aménagements actuels, y compris la « coronapiste » mis en place récemment ne sont pas totalement satisfaisants.

Nous préconisons une remise à plat du programme d’évolution du pont Anne-de-Bretagne pour viser prioritairement l’objectif suivant :

aménagement permettant à terme, et sans dépenser des budgets excessifs pour le « prestige » esthétique ou communicant, au moins 20 000 cyclistes/jour, en tout confort et en toute sécurité (notamment aux carrefours des débouchés du pont) et en bonne cohabitation avec la marche à pied. Pas de rails de tramway, mais une voie dévolue à des bus à haut niveau de service, si besoin bi-articulés. Si arbitrage nécessaire entre les différents modes de transports, baisse du trafic voiture sur ce pont (en lien avec la baisse générale du trafic voiture de la métropole, et notre refus d’une densification excessive de l’Île de Nantes).

Question 3 : Comment cohabiteront les autres modes de déplacement avec les nouvelles lignes de tramway sur leurs corridors ?

À partir du moment où nous considérons que les nouvelles lignes de tram ne sont pas pertinentes (cf. nos cahiers d’acteur n° 2A et 2B), cette question pourrait devenir caduque pour nous.
Nous la saisissons cependant pour donner 2 avis :

Sur le terminus temporaire envisagé à Basse-Île : 

Dans le projet à court terme, les trois nouvelles lignes de tramway se termineraient au même point, à l’arrêt « Basse-Île », à l’intersection du boulevard Schœlcher et de la route de Pornic. Nous avons bien compris qu’il s’agirait d’une situation temporaire, avant le prolongement des lignes dans une des 3 directions qui serait choisie ultérieurement. Reste que ce « temporaire » pourrait tout de même durer environ 5 ans (2026-2031), voire un peu plus.

Pendant cette période, il faudrait donc :

  • fournir une solution aux véhicules qui se rendraient à cet arrêt dans une logique intermodale, à savoir essentiellement des voitures. (On peut penser que la majorité des cyclistes et 2 roues motorisées pénètrent jusqu’au centre-ville.) Nous aimerions que la métropole fasse connaître ses solutions à ce sujet : un P+R temporaire sur le site des anciens abattoirs tant que toute la ZAC des Îles n’est pas construite ? Autre solution ?
  • offrir aux piétons venant prendre ce tramway depuis le sud de la route de Pornic (quartier Port-au-Blé essentiellement) un cheminement agréable et sécurisé pour traverser la route de Pornic, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Notre avis général sur la cohabitation entre les vélos et les tramways :

Aujourd’hui, dans la métropole nantaise, il est interdit pour les vélos, d’emprunter directement la plateforme du tramway (on ne parle pas ici des éventuels aménagements cyclables jouxtant les voies de tramway).
Pire, quelques aménagements dangereux pour les cyclistes tentent de les en dissuader :

La justification principalement donnée, à savoir la sécurité, nous semble largement discutable : en effet, une étude du CEREMA menée en 2012 conclut dans une première phase bibliographique que « l’étude des accidents de cyclistes avec tram n’a pas mis en évidence d’enjeu de sécurité particulier lié à cette pratique », et que dans une seconde phase d’étude de terrain sur « 17 sites identifiés dans 6 villes. Les éléments observés (6400 passages de cyclistes dans diverses situations, 250 h d’observation, 500 enquêtes de terrain) ont permis de conclure que la cohabitation des cyclistes avec les tramways sur le même espace ne génère pas d’insécurité supplémentaire pour les cyclistes sur les sites observés16 ».

Les conclusions de cette étude étant tout aussi éclairantes que contre-intuitives, on pourra s’étonner que la métropole n’en fasse pas mention dans les éléments de la concertation.

En effet, si l’usage des plateformes de tramway par les vélos n’est pas, moyennant quelques précautions (aménagements adaptés, formation des cyclistes…), plus dangereux que sur une voirie classique, cela ouvre la porte à beaucoup d’opportunités pour étendre à très peu de frais le réseau cyclable de la métropole.

Question 4 : Quels trajets souhaitez-vous faire à bord du tramway dans dix ans ?

Si la question est : « Quels nouveaux trajets… », notre réponse est : « A priori, aucun, ou très peu. »

En effet, pour des raisons d’efficacité financière, mais aussi de souplesse d’adaptation des tracés, nous préférons que, plutôt que dans des tramways, la métropole investisse dans des bus, à haut débit sur les axes où ce sera nécessaire (bi-articulés et si besoin en site propre, comme le busway). cf. nos cahiers d’acteur n° 2A et 2B.

Si, indépendamment du vecteur choisi (tramway ou bus haut débit), il s’agit de donner des orientations pour de futures lignes à haut débit à créer dans la métropole, nous n’avons pas en notre possession suffisamment d’éléments d’appréciation (données de trafic actuel et futur modélisés) pour nous prononcer de manière pertinente sur cette question dans une optique d’intérêt général (il ne s’agit pas pour nous de plaider pour le cas de telle personne, quartier, ou commune de l’agglomération).


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1. Au passage, on peut s’étonner qu’elle ne présente pas une vision stratégique pour les aménagements cyclables, alors que ce mode est amené à augmenter beaucoup plus fortement que les TCU. ↩︎

2. https://semitan.tan.fr/medias/fichier/semitan-rapport-activites-2019_1595493527059-pdf ↩︎

3. https://www.cerema.fr/fr/actualites/cout-performance-reseaux-transports-publics-urbains-entre ↩︎

4. https://rezeagauchetoute.fr/programme ↩︎

5. 10 ans sur les économies d’investissement, et 20 ans sur les économies de fonctionnement. ↩︎

6. https://auran.org/publications/les-deplacements-des-habitants-de-la-metropole-nantaise ↩︎

7. https://rezeagauchetoute.fr/wp-content/uploads/2021/01/2016-10-20-Observations-sur-le-dossier-soumis-a-enquete-publique.pdf ↩︎

8. https://rezeagauchetoute.fr/wp-content/uploads/2020/03/2019-02-Observations-sur-le-dossier-de-cr%C3%A9ation-de-la-ZAC-Pirmil-Les-Isles.pdf ↩︎

9. https://www.cerema.fr/system/files/product/publication/2019/09/fi00419_f36_mobilites_cout_perfomance_tc.pdf, p.10 ↩︎

10. « l’offre kilométrique » est l’ensemble des kilomètres parcourus par toutes les lignes de TCU (bus, busway, tram) d’un réseau. Par exemple, si une ligne de bus a un tracé de 10 km et qu’il y a 20 passages de bus sur cette ligne par jour dans chaque sens, l’offre kilométrique correspondante est de 10 × 20 × 2 = 400 km ce jour-là. En ajoutant toutes les lignes pour tous les jours de l’année, on obtient l’offre kilométrique annuelle totale. À Nantes Métropole, elle est de 29,6 millions de km pour 2019 (source : Rapport 2019 SEMITAN). ↩︎

11. source Rapport 2019 SEMITAN : les charges d’exploitation de la SEMITAN ont été de 178,8 M€ en 2019, et on a donc bien 178,8€/29,6km = 6,04 €/km. ↩︎

12. https://www.cerema.fr/system/files/documents/2017/11/fiche_CERTU_LepointSur_pertinence_TCSP_cle5e1217.pdf ↩︎

13. https://rezeagauchetoute.fr/programme/ ↩︎

14. https://auran.org/publications/les-deplacements-des-habitants-de-la-metropole-nantaise ↩︎

15. https://www.strasbourg.eu/documents/976405/1084289/0/b3fb3dac-3170-6921-a7c6-240844dd5b20 ↩︎

16. Voir https://www.cerema.fr/fr/actualites/circulation-cyclistes-plate-formes-tram-etat-lieux ↩︎