Interventions de Rezé à Gauche Toute au conseil municipal du 29 septembre 2017.
3. Politique de tranquillité publique
Il est indéniable que le sentiment d’insécurité progresse, depuis plusieurs décennies, à Rezé comme dans notre société en général. Les causes de ce sentiment sont multiples : une évolution rapide de la société et donc de certains comportements par rapport à la perception « traditionnelle » de la tranquillité publique, mais aussi un traitement médiatico- politique de l’information qui met en exergue les nouvelles à sensation, qu’il s’agisse de faits divers ou de faits graves, à des fins mercantiles ou politiciennes. Le tout est décuplé par l’avènement du numérique, avec son pourvoir d’amplification immense et quasi instantané de l’information.
Il faut commencer à souligner une décorrélation entre l’insécurité réelle, qui n’augmente pas vraiment à Rezé et le sentiment d’insécurité. Reste que cette progression du sentiment d’insécurité est bien là et appelle une prise en compte par la puissance publique nous sommes d’accord là-dessus.
En posant tout de suite une ligne rouge : veiller à ne jamais sous-entendre que les causes d’insécurité seraient plus le fait des populations modestes. Autant il nous semble possible de dire que l’insécurité économique des populations précaires peut participer de leur sentiment d’insécurité globale, et nous faisons crédit au rapport de présentation de la délibération de vouloir signifier cela lorsqu’il indique « il ne peut être négligé que le niveau de pauvreté augmente, ainsi que la précarisation des plus fragiles ».
Autant il serait inacceptable de laisser penser qu’il y a plus d’insécurité à cause des pauvres. Le rapport est à la limite du tendancieux sur ce point lorsqu’il insiste à trois reprises sur les spécificités du quartier du Château, alors que d’autres quartiers qui connaissent au moins autant de délits ne sont pas cités.
Mais gageons qu’il s’agit d’une maladresse de forme, car nous savons que vous avez à cœur de ne pas stigmatiser telle ou telle population.
Le plan qui nous est présenté aujourd’hui a donc pour ambition de répondre au sentiment d’insécurité.
Il y répond d’abords par une réaffirmation de la place de la prévention et de la médiation, qui seraient l’ADN de la ville sur ces questions. Nous ne pouvons que souscrire à cette approche. Il y répond aussi par une réaffirmation du partage des rôles entre les missions régaliennes de l’Etat et les pouvoirs de police généraux et particuliers du maire, en affirmant notamment qu’il n’y aura pas de police municipale, ce que nous approuvons. Il y répond également par une action de communication auprès de la population, pour –je cite- « rendre visible l’action de la Ville en matière de tranquillité publique ». Nous pouvons adhérer à cette approche, en soulignant toutefois notre vigilance à ce que la bonne information de la population ne se transforme pas en communication politique orientée.
Il y répond enfin, et c’est la nouveauté, par la mise ne place d’une expérimentation de la vidéo-surveillance, ou « vidéoprotection » puisque c’est le nouveau terme consacré, sur l’espace public.
Ce dernier point nous pose question (nous ne parlons pas ici de la vidéosurveillance des bâtiments), pour plusieurs raisons :
- La plupart des analyses et des retours d’expérience d’autres villes montrent que la vidéosurveillance n’a pas d’effet tangible sur l’insécurité réelle. Et on le comprend bien : il est naïf de penser que les délinquants ne vont pas s’adapter à sa mise en place, en déplaçant leurs zones d’action.
On appelle cela l’effet plumeau ». - L’effet en revanche assez clair est que la collectivité montre, par cet outil concret et visible, qu’elle prend en compte le sujet de l’insécurité. Il y a donc un avantage à sa mise en place, mais à quel coût ? Nous en avons eu une estimation de ce coût pour la Ville en commission la semaine dernière : 130 000 € d’investissement (alors que les matériels restent la propriété de la métropole) et 45 000 € de fonctionnement annuel. C’est loin d’être négligeable. Nous pensons que la balance coût-avantage n’est pas en faveur de la vidéosurveillance. En investissement, cette somme pourrait par exemple être provisionnée pour la construction de futures écoles qui vont être nécessaires. En fonctionnement, elle permettrait le recrutement d’environ 1 poste et 1⁄2 de médiateur de proximité supplémentaire, que le plan ne prévoit pas, même si nous avons bien noté et approuvons par ailleurs le recrutement de 2 nouvelles animations sociales jeunesse.
- On nous dit qu’un bilan de cette expérimentation sera fait au bout de 2 ans, mais il nous semble délicat, en termes d’acceptation de la population, en termes de bon usage de l’argent public (130 k€ d’investissement pour Rezé et autant pour la métropole), et en termes d’équilibre de fonctionnement du Centre de Supervision Urbain métropolitain, d’imaginer que l’on pourra démonter les caméras en 2020. En acceptant la vidéosurveillance, il nous semble que nous mettons les doigts dans un engrenage assez irréversible.
- On peut enfin avoir des craintes sur la déviance possible de cet outil. Osons un parallèle entre la vidéosurveillance et l’état d’urgence ; tant qu’ils sont entre de bonnes mains, et pour de bonnes intentions, les choses pourraient être acceptables. Mais leur mise en place banalise des pratiques qui empiètent déjà sur des libertés individuelles ou publiques, et pourraient facilement dévier plus gravement si des personnes malveillantes ou des régimes autoritaires s’en emparaient.
C’est sans doute pour toutes ses raisons que, selon le sondage TMO d’août dernier – d’ailleurs est-il prévu de rendre publics les résultats complets de ce sondage payé sur deniers publics ? – environ 25 % de la population rezéenne n’est pas favorable à la mise en place de la vidéosurveillance.
Il faut bien que quelqu’un porte la voix de ce quart de la population.
Cela aurait notamment pu être fait à l’occasion de la conférence citoyenne sur la sécurité initialement prévue, mais finalement annulée. De plus, le « séminaire des élus rassemblant toutes les sensibilités politiques » dont il est question dans le rapport, ne peut pas raisonnablement porter ce nom : il s’agissait en fait, d’un visite du centre de vidéosurveillance de St Herblain en novembre 2016, à la quelle Rezé à Gauche Toute avait participé, et qui était certes intéressantes mais ne peut pas être qualifiée de « séminaire ».
Bref, le volet vidéosurveillance de ce plan, dont nous n’avons pris connaissance qu’il y a seulement 10 jours, nous semble précipité. Nous demandons donc un moratoire sur la décision d’implanter la vidéosurveillance des lieux publics, moratoire actif pour mieux peser et débattre des tenants et aboutissants de cet outil.
Ce temps de travail supplémentaire permettrait également d’approfondir la réflexion et de proposer des mesures sur des volets un peu oubliés du plan actuel : sécurité et tranquillité de publics spécifiques (femmes, personnes âgées…), éclairage et configuration des espaces publics, meilleur accompagnement des victimes, moyens pour une meilleure collaboration avec les services de santé mentale.
Si un tel moratoire n’est pas possible, nous voterons contre cette délibération malgré plusieurs aspects positifs du plan d’actions proposé. »