Interventions de Rezé à Gauche Toute au conseil municipal du 23 juin 2017.
Autorisation pour la signature d’un accord de négociation avec la SCCV Saint-Pierre – projet De Lattre
La place Jean Baptiste Daviais devant la mairie mérite d’être réaménagée pour être rendue plus vivante, plus ouverte, plus conviviale. La circulation par les modes actifs (marche, vélo) dans l’avenue du maréchal De Lattre de Tassigny n’est pas du tout satisfaisante aujourd’hui, et certains bâtiments sont forcément à détruire pour l’élargir. Les autres constructions de cet îlot méritent un rafraichissement ou une rénovation, et une homogénéisation.
Nous partageons ces constats et donc la nécessité d’engager un réaménagement urbain conséquent dans cette partie de la commune. Nous saluons donc l’initiative prise en ce sens par la majorité municipale d’hier avec l’anticipation foncière, et poursuivie par celle d’aujourd’hui.
Une fois que l’on a dit cela, la première question importante est : quel type d’aménagement, pour répondre à quelles attentes et quels besoins de la population ? Il nous semble que la définition du programme aurait dû commencer par là : quel type de place les rezéen-ne-s veulent devant leur mairie ? Quel paysage urbain pour cette entrée de ville ? Faut-il des commerces, des équipements publics, des logements, des espaces verts, des lieux de création ? Quel plan de circulation global de cette partie de la commune ? Et si on réhabilitait et valorisait l’ancien plutôt que de faire du « moderne » ?
Toutes ces questions, nous constatons qu’elles n’ont jamais été posées, ni donc a fortiori débattues avec la population de Rezé dans son ensemble.
Alors bien sûr vous faites valoir une concertation, mais comme très souvent, elle souffre de deux lourds défauts :
- à part une réunion publique, réalisée avec le minimum syndical d’information préalable, la concertation a surtout été faite auprès des habitant-e-s et commerçant-e-s directement impacté-e-s, ce qui est évidemment indispensable, mais notoirement insuffisant. Et ils ne sont pas aussi unanimement favorables que vous semblez le dire.
- et surtout, le projet soumis à concertation était déjà bouclé dans ses caractéristiques fondamentales : on rase tout l’îlot, on construit 180 logements en R+4 à R+5, on élargit a minima la place Daviais, on ne modifie quasiment pas la circulation automobile. De fait, certains riverains nous ont dit qu’ils avaient compris dès le début qu’il n’y avait pas de plan B.
D’autres projets urbains d’ampleur à Rezé ces derrières années n’ont pas eu un résultat très heureux :
- l’ilôt confluent qui offre une qualité de vie discutable et dont une part des logements sont achetés par des investisseurs qui n’ont vraisemblablement pas envisagé d’habiter là,
- la nouvelle maison de retraite rue des Naudières dont les habitant-e-s riverain-e-s découvrent le nombre d’étages projetés au fur et à mesure de l’avancée du chantier,
- le quartier de la Jaguère dont certains logements posent des problème de qualité, et dont le plan de circulation tarde à montrer sa pertinence.
Ces opérations ont été réalisées avec la même méthode que le projet De Lattre : pas de consultation ou même de concertation en amont sur le programme, un objectif de nombre de logements jamais questionné, un projet architectural confié aux promoteurs privés, et des habitants de la commune qui découvrent le projet lorsqu’il commence à se construire.
Nous ne mésestimons la complexité d’une telle opération, ni les contraintes budgétaires dans lesquelles elle se situe.
Nous saluons le travail des services de la Ville qui doivent beaucoup s’investir sur ce dossier depuis des années, et font leur maximum dans le cadrage politique qui leur est imposé. Nous reconnaissons des points positifs dans le projet actuel, et notamment les 20 logements sociaux dédiés aux séniors, ou l’ouverture au public du jardin du presbytère.
Nous ne disons pas que nous avons toutes les solutions. Nous savons qu’il y a des compromis à faire. Mais justement, les compromis et les arbitrages seraient mieux compris et acceptés s’ils étaient présentés et débattus avec les rezéen-ne-s.
Y compris sur les aspects financiers, nous l’avons dit à plusieurs reprises : pour peu qu’on leur explique bien, les citoyens sont capables de donner un avis sur des arbitrages budgétaires. Ils sont capables de comprendre que le promoteur privé va certes racheter à la Ville les bâtiments actuels pour 1,2 millions d’euros, lui verser une indemnité de 250 00 euros, participer aux fouilles archéologiques à hauteur d’1 million et à l’aménagement de la place pour 1 autre million, prendre à sa charge la démolition et la reconstruction, mais il sont aussi capables de calculer que 180 logements vendus chacun mettons 200 000 euros en moyenne va rapporter à ce promoteur 36 millions d’euros.
Ils sont capables d’estimer si les 2 millions d’euros (minimum) engagés, dont 1 pris en charge par Nantes Métropole, pour aménager la place et la voirie en valent la peine au regard du fait que cette place sera au final presqu’aussi étriquée qu’aujourd’hui, verra toujours passer plus de 15 000 véhicules par jour au nez de la mairie, et ne semble pas intégrer un aménagement cyclable spécifique.
Ils sont capables de dire s’il faut se réjouir que dans cette opération la Ville ne débourse « que » 175 000 euros, ou s’il faudrait mettre plus de moyens pour améliorer le « bien vivre » consécutif à cette opération. Et s’il faut mettre plus de moyens, en réduisant quelle autre dépense ou augmentant quelle recette municipale.
Ils sont capables d’exprimer un avis sur le fait de raser tout un îlot de bâtiments qui racontent une histoire de Rezé.
Ils sont capables de donner leur préférence entre créer un peu plus de 100 nouveaux logements (en net), ou éviter que ne jaillissent devant la mairie des constructions plus hautes qu’elle. Ils sont capables de donner un avis sur le projet architectural et paysager.
Ils sont capables de tout cela, mais encore faut-il leur demander, et leur donner des garanties sur la prise en compte de leurs avis. Une opération de cette ampleur et de cet impact mériterait que des moyens conséquents soient mis sur la consultation des tou-te-s les rezéen-ne-s. Cela n’a pas été le cas. Par exemple, il n’y a jamais eu d’article important dans le magazine municipal, ni d’images/vidéos de synthèse ou maquettes présentées aux citoyens.
Par ailleurs, nous doutons que beaucoup de rezéen-ne-s aient pris conscience que début 2018 allait débuter un gros chantier devant la mairie pour une durée de 5 ans. C’est pourquoi nous pensons que vous allez au devant d’incompréhensions et d’oppositions des rezéen-ne-s.
Aujourd’hui, nous votons sur le protocole d’accord avec le promoteur, mais il reste encore d’importantes inconnues sur le coût des fouilles archéologiques, et le permis de construire n’est pas encore délivré.
Même si le coup est parti et bien parti, il devrait en théorie être encore possible de faire autrement.
Nous ne cautionnerons pas cette opération qui pose beaucoup de questions et qui est mal présentée aux rezéen-ne-s, et c’est pourquoi nous voterons contre cette délibération.