Interventions de Rezé à Gauche Toute au conseil municipal du 18 novembre 2021.
8. Engagement de l’expérimentation Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD)
Commençons par un peu de contexte. Le chômage de masse fait partie de notre société depuis des dizaines d’années. La privation d’emploi de longue durée est très préoccupante, car les personnes touchées sont souvent isolées et sans ressources. Le nombre de personnes en recherche d’emploi depuis plus de trois ans a triplé depuis dix ans, pour atteindre plus d’un million cent mille cette année. Les privé·es d’emploi depuis plus d’un an réprésentent près de la moitié des personnes inscrites à Pôle Emploi. Et il y a treize fois plus de demandeurs et demandeuses d’emploi que d’offres sur Pôle Emploi.
C’est dans ce contexte qu’arrive cette proposition de Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD). Elle nous a semblé intéressante au premier abord. Néanmoins, en étudiant sa mise en place dans les territoires pilotes nous la jugeons très sévèrement. Nous pensons qu’à ce stade il faudrait revoir grandement le dispositif, voire l’abandonner. En l’état, nous nous opposons à sa mise en place à Rezé, pour les raisons qui suivent.
Parlons d’abord d’argent. Les défenseurs du dispositif TZCLD mélangent un ensemble de dépenses liées plus ou moins directement à la privation d’emploi. Des dépenses sociales comme l’aide au logement, le revenu de solidarité active ; des dépenses à l’emploi comme l’allocation de solidarité spécifique ou la formation ; ou encore des dépenses individuelles comme la santé. Ils les assimilent pour tenter de montrer que ces masses d’argent seraient non seulement disponibles mais seraient selon eux mieux employées en étant versées sous forme de salaire, au minimum légal.
On a déjà une confusion idéologique car cet argent provient de caisses différentes, de l’État et de la Sécurité sociale. En pratique, viser la création d’emplois en siphonnant la protection sociale, c’est la méthode du MEDEF lorsqu’il réclame des exonérations de cotisations sociales. Second principe aberrant du financement : ce serait aux salarié·es de se payer eux-mêmes une part de leur salaire, via les cotisations versées aux caisses comme la Sécurité sociale. On croit rêver mais c’est bien le cas : la loi de 2016 qui a lancé l’expérimentation sous le ministère de Mme El Khomri permet de piocher dans le salaire socialisé pour financer le dispositif. Troisième axe dangereux du financement : certains cofinanceurs vont se retrouver à devoir choisir entre les bénéficiaires, car leurs dépenses d’aide sociale ne sont pas extensibles. Ainsi les départements auront d’autant plus de mal à financer le RSA que les TZCLD se multiplieront.
Le budget des dispositifs TZCLD est par ailleurs très déséquilibré. L’objectif affiché est de dégager un certain revenu des activités réalisées, ce qu’on imagine bien difficile quand on cible des tâches peu solvables et que l’on ne veut pas porter concurrence à l’activité économique existante. L’expérience confirme ces craintes : ainsi le rapport 2019 de l’Inspection Générale des Affaires Sociales sur TZCLD note « des transfert de coûts et des gains pour les finances publiques significativement moindres qu’estimés ». Un euphémisme. De plus, on apprend que la capacité d’auto-financement du dispositif est quasi nulle, et les coûts de mise en place et de gestion ont été sous-évalués par ailleurs. Bref, les financeurs partenaires du dispositif comme les départements, l’Etat, les communes, Pôle Emploi… vont devoir continuer à puiser dans leurs ressources pour faire tourner la machine. Nous ne savons d’ailleurs pas quelle est la provenance des fonds apportés par l’État : quelle part vient des cotisations sociales par exemple ?
Venons-en maintenant aux activités réalisées. Les défenseurs de TZCLD recensent dans une note de 2014 « une multitude de besoins non satisfaits et de travaux utiles à la société qui aujourd’hui ne sont pas ou plus réalisés, simplement parce qu’ils ne sont que partiellement solvables, et donc insuffisamment lucratifs pour le marché classique ». On peut partager le constat, mais c’est justement l’une des caractéristiques de l’emploi public de pouvoir être présent sur des activités non solvables. Pourquoi créer un nouveau dispositif ? Une partie de la réponse se trouve peut-être plus loin dans le même document. ATD quart monde déclare qu’il est « important que le fonds (de financement des Entreprises à But d’Emploi (EBE)) soit géré avec suffisamment de souplesse […Et] pour assurer cette souplesse, il est très souhaitable que le fonds soit un organisme privé assurant une mission de service public ». C’est donc bien au départ une remise en cause des emplois de service public.
Et sur le terrain aujourd’hui ? En pratique, les personnes faisant partie des EBE réalisent souvent des tâches qui devraient relever de fonctionnaires territoriaux. Par exemple l’entretien de l’espace public à Paris, la surveillance et le ménage dans les écoles à Mauléon, ou encore la collecte de déchets à Villeurbanne. Parfois, les activités des EBE concurrencent de l’emploi privé existant : citons des postes de pompiste en supermarché à Thiers, de mécanicien garagiste, ou de soutien scolaire à Colombelles. On pourrait multiplier les exemples qui montrent que ce dispositif, aujourd’hui, est un excellente machine à mettre en concurrence des privé·es d’emploi vis-à-vis des salarié·es du public comme du privé. De plus, la formation prévue des personnes du dispositif reste très souvent un mirage et enfin, les employés ne bénéficient d’aucune convention collective.
Dans cette phase opérationnelle, les Comités Locaux pour l’Emploi (CLE) sont censés être garants de la non concurrence des emplois crées. Ils gèrent les listes de personnes mobilisables, l’accompagnement des chômeurs, le pilotage et l’orientation des activités des entreprises à but d’emploi. Or aujourd’hui on observe le désengagement progressif de ces comités locaux pour l’emploi. Avec en conséquence un glissement de certaines EBE vers des logiques plus mercantiles ou un modèle d’entreprise plus traditionnel. Dans le territoire métropolitain, l’équivalent de ce CLE serait la mission locale pour l’emploi. Quelles garanties avons-nous sur sa capacité et ses moyens pour porter un tel projet, en plus de ses missions actuelles ?
Alors que faire ? Pour nous, il faut arrêter les frais sur TZCLD et orienter l’action vers des dispositifs qui ont fait leurs preuves. Certains sont présents depuis de nombreuses années à Rezé, comme Oser Forêt vivante. Nous voulons ici redire combien il est urgent d’augmenter les moyens du CCAS pour lui permettre de mieux mener ses missions, parmi lesquelles la lutte contre le non-recours aux droits ; l’élu en charge des solidarités le rappelait tout à l’heure. C’est aussi une porte vers divers dispositifs d’aide et d’accompagnement, qui sont d’autant plus précieux dans le cadre du chômage de longue durée que des problématiques connexes sont souvent des freins supplémentaires à l’emploi.
On nous répondra peut-être que toutes ces dérives énumérée ici sont le lot d’un dispositif nouveau, et qu’elles seront bien mieux contrôlées à l’avenir, et plus particulièrement ici à Rezé. Disons clairement qu’un tel discours rassuriste ne nous convainc pas. D’abord car il y a bien pour nous un problème de fond sur ce mécanisme, qui en guise de nouveauté apporte surtout une nouvelle façon de s’attaquer à l’emploi public et aux emplois peu qualifiés existants. Ensuite car c’est sur des points fondamentaux, comme le financement, la gouvernance, les conditions de travail, etc. que portent nos désaccords.
Cette délibération propose au fond de faire confiance à l’association nationale TZCLD, qui d’ailleurs se félicite de la menée des expérimentations jusqu’ici, pour éventuellement réorienter son action et changer sa façon de faire. La charte associée apporte peu de garanties, et la ville n’aura que peu de moyens pour contrôler directement le dispositif. Et elle aura encore moins de poids, même associée à d’autres communes et à Nantes Métropole, sur l’association au niveau national. Nous avons donc toutes les raisons de penser qu’un territoire zéro chômeurs de plus ici serait le meme piège qu’ailleurs pour l’ensemble des travailleurs et des acteurs de l’assurance et de la protection sociale.
9. Stratégie métropolitaine de lutte contre la pauvreté
Evidemment, nous voterons pour cette délibération, car les actions mises en place par la municipalité avec ces financements demeurent toujours aussi cohérentes. Nous notons toutefois, sauf erreur de notre part, une baisse de la dotation de l’Etat pour ce dispositif, passant de 110 000 € en 2020 à 84 000€ en 2021.
Alors que l’un des objectifs inscrits dans la délibération est « l’égalité des chances dès les premiers pas …», le dernier rapport de l’OCDE nous indique que la France est le pays où le budget de l’Éducation par élève a le moins augmenté dans ces dix dernières années parmi tous les pays développés de l’OCDE. Cela se traduit par des conditions d’enseignement qui se dégradent quotidiennement. On peut citer comme exemple, à Rezé, et cela a été évoqué dans la presse, l’absence d’enseignement d’une matière depuis la rentrée de septembre, au collège Pont Rousseau, du fait qu’aucun professeur n’ait été nommé pour remplacer les départs en retraite !
Autres objectifs du dispositif : « Vers des droits sociaux plus accessibles, plus équitables … » ou encore « Investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi ». Or la nouvelle réforme de l’assurance chômage va engendrer plus de pauvreté et de précarité chez les demandeurs d’emploi. Prévue pour faire des économies à leurs dépens, cette nouvelle attaque contre l’assurance chômage augmente les délais pour y accéder et abaisse les revenus de remplacement. Plus d’un million de personnes vont voir leurs allocations s’effondrer ou disparaître. Le gouvernement, dans son empressement à étendre la précarité, a même ignoré l’avis du conseil d’État qui pointait « les incertitudes sur la situation économique ».
Alors quand l’état veut parler de lutte contre la pauvreté, et avant de distribuer des miettes localement, il doit commencer par ne pas dégrader nationalement des conditions déjà très compliquées, en particulier pour la jeunesse de notre pays.
11. Démarche territoriale de résorption des campements illicites et intégration des migrants d’Europe de l’est – Partenariat financier entre la commune de Rezé et Nantes Métropole – Proposition d’avenant 2021 à la convention de coopération existante
Comme lors du conseil municipal de décembre 2020, nous félicitons l’action de l’équipe municipale et des services de la ville sur la gestion très complexe de ce dossier. Nous savons combien cela mobilise beaucoup d’énergie et de temps pour les personnes qui ont la responsabilité de ce dispositif, que tu as d’ailleurs qualifié de chronophage, Loïc. Mais nous oserons dire que cela en vaut la peine, au vu des résultats obtenus grâce à cette mobilisation et aux moyens mis en œuvre, comme nous le verrons entre autre dans la délibération qui suit.
Et en parallèle nous voulons évoquer un contre-exemple de ce qui se passe à Rezé : Le Voyage à Nantes (comme l’a appelé l’association Romeurope dans un de ces communiqués l’été dernier). Ce Voyage à Nantes de quarante familles, habitants à Vertou depuis 2020 sur un terrain privé. Les enfants étaient scolarisés et les parents travaillaient dans le maraîchage et la viticulture proche. Le 3 juillet dernier, elles ont été expulsées du terrain où elles vivaient, puis tour à tour, en seulement six jours, de terrains à Saint-Herblain, Indre, Nantes, Les Sorinières, pour terminer ce « voyage » à Saint Etienne de Montluc, avec au passage des mises en fourrière de véhicules et de caravanes, dont trois détruites avec les documents personnels des familles à l’intérieur ! Bilan de ce voyage absurde : encore plus de précarité.
Des familles insécurisées. Des enfants sont tombés malades. Les habitants ont perdu les caravanes et se débrouillent avec des amis, de la famille, pour dormir dans leur caravane et souvent dans leur voiture. Des propositions de places d’hôtel ont été faites, mais irréalisables car les hommes vont en covoiturage au travail, à distance accrue désormais.Nous ne pouvons plus supporter l’idée que ces Nantais depuis des années, habitants des bidonvilles, nombreux à travailler, continuent à être traités comme des parias.
Nous pensons que les conditions indignes (le mot est faible) dans lesquelles vivent les populations concernées, nécessitent une interpellation forte de notre conseil municipal envers les communes de la métropole qui restent sur ce sujet sans autre réaction que ces expulsions.
12. Logements – Publics fragiles – Validation APD
Nous allons bien sûr voter pour cette délibération, qui permet de poursuivre l’inclusion des familles MENS sur le territoire.Ce conseil municipal, qui propose ce soir de nombreux points de vigilance sur des populations fragiles, sur des minorités, traduit finalement la problématique plus large du logement. Que ce soit du logement d’urgence, du logement passerelle, ou du logement tout court, nous avons l’impression de courir après les solutions d’hébergement. La question des réfugiés politiques, des exilés climatiques, ne va cesser de prendre de l’ampleur, et il est du ressort de la mairie d’assurer un accueil digne de ces populations en souffrance, sans les mettre en concurrence avec les habitants qui sont eux aussi en attente urgente de logement.
Dans le même temps, la métropole nantaise, victime de sa propre politique d’attractivité, voit les prix de l’immobilier augmenter fortement ces dernières années. Et les ménages les plus modestes sont contraints de s’éloigner en deuxième ou troisième couronne.
Alors, même si la métropole a un taux de logements vides plus bas que la moyenne, il reste quand même de nombreux logements et immeubles vides. Nous parlons de logements d’habitation, inhabités depuis plus d’un an, et qui ne sont ni des résidences secondaires, ni des biens mis en vente en attente d’acheteur. En 2019, près de 125 logements étaient vacants depuis au moins deux ans. La taxe payée par les propriétaires rapporte à la ville plus de 200.000 € chaque année.Nous pourrions aussi évoquer les bâtiments administratifs, les bureaux inutilisés, qui peuvent appartenir à l’État, à des administrations, à des collectivités, etc.
Pourquoi ne pas relancer l’idée des réquisitions ? Cette procédure ne spolie pas les propriétaires, elle reste temporaire, et elle inclut une indemnisation.Les réquisitions, qui souffrent -certes- de lourdeur administrative dans leur mise en œuvre, pourraient être un outil très utile pour pousser les propriétaires à remettre leur biens sur le marché, et répondre ainsi, à leur niveau, aux problématiques de logement sur l’agglomération.
Pour que nous puissions tous mieux cerner ces questions de logements vacants, pourriez-vous nous communiquer les derniers chiffres de logements vides, que ce soit du domaine privé ou public, et si des bâtiments de la ville restent inutilisés ?
30. Fonds de concours métropolitain Tourisme de proximité 2021 – Approbation montant et autorisation de signer la convention
Les moments de transmission et de mise en valeur de La Cité radieuse et plus généralement de l’œuvre de Le Corbusier doivent bien sûr se poursuivre. Nous voterons donc pour cette délibération.
Cependant, nous pensons que choisir la Cité radieuse pour promouvoir le tourisme de proximité n’est pas forcément le bon choix : 37 % des visiteurs sont extérieurs au département, ce qui n’est pas de l’ordre du tourisme de proximité. Et avec 40 % de scolaires sortant du cadre touristique, il ne reste qu’un quart de « touristes » du département.
Nous pensons que nous ratons là les objectifs d’un réel tourisme de proximité, c’est-à-dire local, à proximité immédiate des habitants d’un bassin de vie. Nous voyons même dans ce choix de la Cité radieuse une participation rezéenne à l’attractivité métropolitaine tant recherchée, dans la lignée du voyage à Nantes.
Nous l’avons vu lors des différents confinements, et la crise écologique nous y pousse également, il va nous falloir apprendre à découvrir aussi ce qui est tout près de chez soi, sans viser des destinations lointaines. Et nous pouvons y prendre du plaisir !
Voici une proposition pour tracer quelques pistes du « tourisme du futur », comme le titrait le magazine Society début août dernier : les 50 000 € de ce budget partagé entre ville et métropole pourraient plutôt être alloués à une multitude de structures et associations qui développent des espaces de vie, des moments d’« aventure humaine », de socialisation et de dépaysement au cœur de notre ville, pour ses habitant·es. Bref, créer un « Voyage à Rezé » à destination de ses habitant·es ! Pour inviter ces derniers à ne pas forcément partir loin pendant les week-ends ou les vacances. Pour revoir en profondeur nos pratiques touristiques et la notion de voyage. Et ainsi œuvrer à un réel tourisme de proximité.
Question au maire : couvre-feu de laéroport de Nantes-Atlantique
Monsieur le maire,
En septembre, les deux conseiller·es départementaux du canton de Rezé 1 ont réaffirmé leur souhait que le couvre feu pour l’aéroport de Nantes-Atlantique soit prolongé de 6h à 7h du matin. Dans les jours qui ont suivi, le président de l’ACNUSA estimait dans la presse qu’il « y aura sans nul doute un report des vols dans les tranches horaires » avant et après le couvre feu, et notamment « une pointe du trafic en début de matinée ».
Les considérants de ce dossier de couvre-feu lors de notre conseil municipal de mai estimaient, « qu’il serait donc souhaitable qu’une étude de l’extension de ces restrictions en soirée et entre 6h et 7h puisse être effectivement enclenchée, ces restrictions pouvant également être portées par des incitations tarifaires ».
Les avions de 6h du matin réveillent des milliers de personnes à Rezé, raison pour laquelle Rezé à Gauche Toute demande depuis des années l’extension du couvre feu complet de 22h à 7h du matin. Notre tribune dans le Rezé Mensuel de ce mois-ci rappelle les arguments et les objectifs de notre position. En une phrase, nous estimons la qualité de vie des rezéen·es plus importante que l’activité économique aéronautique.
Nous avons invité l’ensemble des membres du conseil municipal à prendre publiquement position en faveur de l’extension du couvre-feu de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Certains nous ont déjà répondu positivement.
Monsieur le maire, êtes-vous favorable à cette extension du répit nocturne pour les rezéennes et les rezéens ?